Dans le cadre d’un crédit immobilier, il est fréquent que les établissements bancaires acceptent de financer une acquisition en échange d’une domiciliation des revenus de l’emprunteur. Afin d’encadrer cette pratique, les pouvoirs publics ont, par le décret n° 2017-1099 du 14 juin 2017, imposé notamment, pour les crédits souscrits depuis le 1er janvier 2018, que cette domiciliation bancaire ne puisse être supérieure à 10 ans. En contrepartie, la banque doit consentir à son client un avantage particulier qui peut consister, par exemple, en une réduction du taux d’intérêt, des frais annexes moindres, des tarifs préférentiels sur le compte destiné à recevoir les salaires de l’emprunteur… Vivement critiqué, ce dispositif a été abrogé par la loi Pacte du 22 mai 2019.

Mais avant que ce dispositif soit abrogé, l’association française des usagers des banques (AFUB) avait saisi le Conseil d’État afin de faire annuler le décret instaurant la possibilité d’imposer la domiciliation des revenus des emprunteurs. L’association avait soutenu notamment que le décret méconnaissait l’objectif de facilitation de la mobilité bancaire poursuivi par le droit européen.

Saisi du litige, le Conseil d’État a rappelé que le fait de conditionner l’octroi d’un avantage individualisé, dans le cadre d’un contrat de crédit proposé à un emprunteur relatif à un bien immobilier, à l’engagement de domicilier, pendant une période déterminée, l’ensemble des salaires ou revenus assimilés dans cet établissement, indépendamment du montant, des échéances et de la durée d’un prêt, et non uniquement la seule partie des salaires ou des revenus assimilés de l’emprunteur correspondant à ce qui est nécessaire pour rembourser le prêt, obtenir le crédit ou de fournir au prêteur des garanties supplémentaires en cas de défaut de paiement, doit être regardé comme une vente liée au sens du droit européen. Un dispositif qui n’est donc pas compatible avec les objectifs du droit européen en matière de mobilité bancaire. Ainsi, dépourvu de base légale, le Conseil d’État a annulé le décret du 14 juin 2017.

En pratique, les banques peuvent toujours imposer une domiciliation, à condition toutefois que cette dernière ne porte pas sur l’ensemble des revenus salariaux ou assimilés de l’emprunteur immobilier. En outre, cette domiciliation doit être limitée dans son montant et dans sa durée et conférer un avantage individualisé aux emprunteurs.


Conseil d’État, 4 février 2021, n° 413226


 
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