Pour lutter contre la concentration excessive de foncier agricole entre les mains d’une même société, les pouvoirs publics ont instauré, par une loi datant du 23 décembre 2021 (la loi dite « Sempastous »), un contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles.
Mais pour que ce contrôle puisse s’appliquer, un décret d’application de la loi était attendu. Avec un certain retard, ce décret vient d’être publié. Le dispositif va donc pouvoir bientôt entrer en vigueur. Explications.
Une autorisation préfectorale
Jusqu’alors, les transferts partiels de parts sociales ou d’actions de sociétés agricoles échappaient au regard de l’administration et au droit de préemption de la Safer. Ces opérations permettaient ainsi à certaines sociétés de prendre possession d’importantes surfaces agricoles en toute liberté.
Avec l’entrée en application du nouveau dispositif, la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera désormais soumise à une autorisation préalable du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle.
Le seuil (on parle de « seuil d’agrandissement significatif ») à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé, par région naturelle ou par territoire ayant une certaine cohérence agricole, par un arrêté pris par le préfet de région après avis de la chambre régionale d’agriculture. Il sera compris entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM) fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) et sera réexaminé tous les 5 ans au plus tard.
En pratique, les premiers contrôles s’appliqueront aux cessions de parts sociales (ayant pour conséquence une prise de contrôle de la société et le dépassement du seuil d’agrandissement significatif) qui seront réalisées à compter du délai d’un mois après la date d’entrée en vigueur de l’arrêté préfectoral. Cette date sera donc variable d’un territoire à un autre.
À noter : ne seront pas soumises à autorisation :
– les transmissions à titre gratuit (donation, succession) ;
– les cessions de parts ou d’actions au profit d’un conjoint (époux ou partenaire de Pacs) ou d’un parent à condition que ces personnes s’engagent à participer effectivement à l’exploitation des biens agricoles et à conserver les parts ou actions pendant 9 ans ou à les donner en location à un fermier qui s’engage à les exploiter pendant 9 ans ;
– les cessions réalisées entre associés exploitants qui détiennent des parts de la société depuis au moins 9 ans.
L’instruction des dossiers par la Safer
En pratique, les demandes d’autorisation devront être adressées à la Safer territorialement compétente qui sera chargée de les examiner au nom du préfet. Elle disposera d’un délai de 2 mois pour délivrer un avis et le transmettre au préfet. Et c’est ce dernier qui, ensuite, délivrera ou non l’autorisation requise. Sachant qu’il pourra autoriser l’opération à condition qu’une compensation soit fournie. Ainsi, le préfet pourra donner son autorisation sous réserve qu’une partie des terres que la société ou l’acquéreur des parts détient soit libérée au profit d’un agriculteur qui s’installe ou qui a besoin de consolider son exploitation.
Décret n° 2022-1515 du 2 décembre 2022, JO du 4